Site philosophique et politique pour une pensée forte.

jeudi 27 janvier 2011

Exhortation du doute

  Penses tu réellement que le monde va vers sa perfection, vers un perpétuel progrès? Crois tu (allez, remue!) que ce que l'on crie comme être une république, ne pourrait pas se chuchoter autrement? Es tu capable de dire et d'expliquer clairement (jure le moi!) ce que tu penses?
  Je ne peux répondre pour toi, mon unique projet est de te remettre en cause.
Ita finitima sunt falsa veris, ut in praecipitem locum non debeat se sapiens committere.*, Cicéron, Premier Académiques, II, 21.
  Ami, le temps est au doute, prends garde!
  A chaque information qui t'es fournie, cherche qui peut bien en être l'auteur! L'époque se veut être celle de l'information perpétuelle, le lieu de la grande distribution de "c'est réel" chocs, des jus 100% bruit, des huiles de "live" à toute heure, des boites de convers' qu'on verse à toutes les sauces, tandis qu'au rayon viande le choix est laissé: du bluff, du mutin, et le cochon se tait. Donc tout pour faire notre beurre, mais avec l'accord de son agent.
  Sais-tu où manger vrai?

  Certes, la chaleur de ta famille, les bras de ton ami sont là pour te soutenir dans ce monde qui tangue. Mais pour le reste, ton chemin se fera seul. Tu te dois de douter, sans cesse. Lorsqu'un homme est conspué par une majorité, ne te dis pas simplement "cela est bon", "cela est mauvais", mais vas chercher l'information à sa base, écoute cet homme, lis cet homme, confronte toi au réel. Si demain, deux faits se contredisent, ne reste pas là, impuissant et contemplant, mais cours comprendre ce qui ne va pas, ne reste pas dans l'incompréhension. Et doute également de ce qui t'es présenté comme l'évidence; lorsque des événements sans lien apparent semblent se diriger dans un même sens, un même bien, interroge toi sur la nature de ce "bien", et à qui cela profite.

  Ce monde n'est pas bipolaire, coloré par un manichéisme primaire, et quand bien même il le serait, ce n'est certainement pas de la façon dont on veut bien te le faire croire. Les vrais débats ne sont plus là où tout le monde court, les vrais discours sont cachés. Par là, il faut entendre deux choses; que la réelle pensée de ceux qui communiquent ne se trouve pas dans leur mots, et que les informations qui viendront les contredire, les briser, ce n'est pas ton univers cathodique et publicitaire qui te les délivrera. De plus en plus, tu, nous, ils sont amenés à devenir ce que Michéa dans son Enseignement de l'ignorance appelle des "crétins militants". Je ne peux que t'encourager à te renseigner, à questionner, à lire et à manier cette lame à double tranchant qu'est internet.
  Je ne peux que te souhaiter une dernière chose, à la façon de Ciceron chez Voltaire :
"Grands dieux! Que ce héros soit toujours citoyen!"

E.Esther

*Le faux est si voisin du vrai que le sage ne doit pas se hasarder sur un terrain aussi escarpé.


mercredi 26 janvier 2011

Pucerons hédonistes et teckels passéistes

"Contente-toi du donné." Sur Démocrite, citation attribuée à celui-ci et rapportée par Friedrich Nietzsche.
  Loin de proclamer l'avènement d'une pensée caractérisée par sa passivité, cette sentence énigmatique pourrait bien être la condition de toute pensée ayant pour ambition un réel poids politique et culturel (mais en doutiez vous vraiment mes frères et soeurs?). Il senble que la modernité puisse se résumer à un long processus de déprise quant à toutes nos idoles, à une prise de conscience de l'ensemble de nos représentations dans ce qu'elles ont de plus arbitraire. Mais cela signifit-il que nous soyons réduits à un hédonisme crasse, dont nous voyons bien qu'il ne fait que s'étendre au-delà des frontières du monde occidental? 
  Que nenni! Car s'il y a bien une chose que le Grand-Homme-à-Moustache nous ait appris c'est qu'avec le monde vérité, c'est aussi celui des apparences qui a sombré dans l'abîme, aussi ne nous faut-il pas céder à l'appel de la Matière pas plus qu'à celui de l'Esprit mais bien rompre avec ce schème pathologique pour nous tourner vers le seul monde, celui qui nous est immédiatement donné, dans toute sa richesse et son irréductible diversité. C'est pourquoi, devant une réalité singulière et inconnue jusqu'alors (ne sommes nous pas les premiers à croire sincèrement que la félicité est à chercher dans la jouissance ici et maintenant?) , il nous faut à tout prix abandonner nos vieux grimoires, nos anciens schèmes de pensée, si nous voulons pouvoir faire face.

  "Les hommes naissent mous et souples,
  Morts, ils sont raides et durs.
  Les plantes naissent tendres et élastiques,
  Mortes, elles sont sèches et cassantes.
  Ainsi quiconque est raide et inflexible est un disciple de la mort.
  Quiconque est doux et flexible est un disciple de la vie.
  Le dur et le raide seront brisés.
  Le doux et le souple prévaudront."

Tao te king Lao Tseu

  Si la mort de Dieu est irréversible, il ne s'agit pas pour nous de mettre l'homme en lieu et place du principe divin. Toutes les grandes passions ayant animé le champs du politique ces deux derniers siècles, avec toutes les dérives que l'on connait (et dont on aime tant nous rappeler l'atrocité, nouveau mythe fondateur de nos sociétés prétendument kantienne) ne sont que les tentatives désespérée pour ranimer le corps divin déjà bien décomposé. Nous sommes les victimes de notre propre acharnement thérapeutique. Une vraie pensée du politique ne sera possible que par une remise en cause pleine et entière des cadres qui structurèrent jusqu'à présent ce champs de la réflexion. Nous, hommes tardifs, devons accoucher de l'Enfant (conceptuel celui-ci) qui pourra répondre au défi que nous nous lançons dans nos rapports les uns aux autres. La tentation réactionnaire nous est proscrite, celle de la conformité ne mène nulle part.
  
Quel autre choix avons nous que de créer par-delà nous même?

A.G.


Extrait de : L'eugénisme est un progressisme ou aphorisme sur le vit, de Jean-Claude Smart

  « Il y a longtemps, en région de France, sur une planète nommée Terre, des couples d'hommes adoptaient des enfants de l'autre bout du monde tandis que des milliers, des centaines de milliers, que dis-je, des millions de femmes se languissaient de leur solitude, feuilletant des magazines idéologiquement neutres tel Femina ou Voici - tout en refusant, après des heures de toilettage, que quelques hommes ne les abordassent ; les pétasses ! Vieilles filles après dix avortements, car oui mon corps m'appartient, elles mangeaient du soja bio avec une larme d'eau déminéralisée en compagnie de leurs seuls amis, les chiens, quand Daniela, le transgenre de chez Smiss d'en face ne leur servait pas de co-pine.


  Quelle ne fut pas la surprise de Tictac (eh oui, on peut aussi donner des noms de marques à ses enfants !) à la découverte des vieilles archives télévisuelles des années 2010. Il avait récemment étudié le nazisme en cours de mémoire-géographie, qui n'était (enfin!) en l'an de grâce 3500 qu'un "détail" de l'histoire de l'humanité, parmi les déportations, les crimes et les chambres à air. Et bizarrement, après la propagande du "Plus jamais ça" qui fit des ravages chez les partisants de l'enracinement, il lui semblait que l'esprit n'était pas bien plus différent au début du 21 ème siècle qu'au milieu du 20ème (siècle; parce que le 20ème arrondissement était le quartier du Marie Trintignant – de Léon Blum aussi, mais ça c'est pour les intellos).

  Cette remarque qui lui valu l'ostracisme – à comprendre : rejet total de l'Humanité, parce que le mal absolu était la chasse-gardée d'Hitler de 39 à 45 et pas pour les autres à venir, le sale juif ! – surgissait dans son coeur made in China comme une explosion de haine projetée sur le pantin fasciste ; de même qu'en 2005 projetaient leur semence blanchâtre les artistes mous sur des toiles vendues à 4 millions aux bobos du Marais (poitevin ?). Pourtant il ne pouvait s'empêcher de penser (crime absolu) que d'un totalitarisme guerrier, cette fin de règne des Lumières franc-maçonnes s'était muté en un totalitarisme vidé de ses couilles viriles, pour finir en spectacle généralisé, faussement transgressif, morbide, qui obligeait les gens à être libre de regarder la télévision.

  Tictac savait compter les grains de riz et prier Mickael Jackson, mais chose étonnante, la sous-nutrition de sa famille face à la bonhomie du clebs des Rockfeller lui avait permis de développer un appendice cérébrale, la conscience. Performance qui ne pouvait apparaître qu'au dessus d'un QI de 150 ; autant dire que les grands de ce monde n'avait pas aidé l'humain moyen à faire évoluer la chose.

  Il fallait que les hommes fussent libres ; on leur donna le droit de manger, d'acheter, de dormir pour manger, acheter et dormir... Cris de stupeur en ces temps soumis aux dogmes du plaisirs immédiat. Mais que nenni, les petits prêcheurs du désert étaient fous, et Pujadas était beau ; normal il était dans le bocal et Closer s'en félicitait.

  Avec un recul de 1500 ans, Tictac comprenait la mascarade, on l'avait trompé ; ces extraits d'archives étaient faux, ils servaient à lui montrer le chemin du vice. Les vidéos n'étaient que des montages concoctés par les résistants. Meurtre, meutre, ces mots pendaient à ses lèvres. Il fallait trouver les coupables, donner ces information à la Gestapo (Géant énervé sur ta poire), pour qu'à jamais finissent l'âge obscur du non-officiel. Il n'avait pas de suite fait le rapprochement avec les théories du complot ; mais tout était rentré dans l'ordre. L'Ordre nouveau qui avait su le préserver du grand chaos, de cette folie des hommes inspirés par le désir de Vérité.

  La plainte déposée pour abus de conscience, les idées claires, il pouvait lire sur les panneaux publicitaires éclairés aux néons pâles, un sourire satisfait pour seul stigmate:

  "Tu es mort, c'est ta vie." »

B.L.



mardi 25 janvier 2011

Mais où sont les neiges d'antan ?

Si tibi non opus est servata, stulte, puella,
At mihi fac serves, quo magis ipse velim !
Quod licet, ingratum est ; quod non licet acrius urit.*
- Ovide, Les amours, Livre II, Élégie XIX

    Les femmes sont le sel de la terre. Elles apportent les nuances nécessaires à la beauté de l'être humain ; elles lui donnent des courbes agréables, des rondeurs luxueuses, des parfums désirables. La femme embaume ; toute sa force est dans la subtilité de son charme qui pousse à l'action ;  elle est fondamentalement une puissance motrice : la beauté est un dynamisme. Sa grâce est aérienne ; sa respiration est un souffle de fécondité ; et, forte de sa superficialité de la profondeur, de son noble art de l'apparence et du mensonge, elle se plaît à diriger subrepticement les actions des hommes.  Il est imprudent de sous-estimer le pouvoir de la délicatesse féminine, ce pouvoir de félin qui lui permet d'exercer une force indirecte et complexe dans les plus grandes comme dans les plus anodines affaires humaines : la femme sait et aime faire désirer.
    La féminité est tout dans l'ombre, elle n'est rien dans la lumière : son empire est volontairement voilé ; ses armes sont des parures matérielles et spirituelles. Maîtresses de l'illusion, les femmes, derrière leurs masques de comédiennes, peuvent ficeler les plus malicieuses intrigues, lesquelles suscitent et la joyeuse curiosité et la dangereuse témérité de l'homme. La source de toute cette puissance n'est pas autre chose que le mesquin interdit qu'elles posent et reposent sans cesse ; et à ce titre, l'une de leur principale vertu est celle de la résistance, que toute habile femme sait graduer à sa guise. L'amour sans rituel est un assouvissement animal. Les hommes ont besoin de cette obscure violence féminine, de ces attraits qui aiguisent la volonté. L'amoureux veut attraper le vent ; il suit la brise charmante ; son bonheur est dans le franchissement progressif des obstacles. Mettez un amant devant l'accomplissement facile, devant l'amour sans effort, il sera comme un athlète n'ayant pas d'adversaire à sa hauteur : il s'ennuie et se vautre dans la velléité ; sa puissance est retombée ; la permission a tué la passion. Toujours l'homme doit dépasser.
    Aussi, la complainte que pousse le poète est légitime : mais où sont les neiges d'antan ? Voici le cri de l'homme sans cibles, à l'appétit affaibli, qui ne sait où éprouver sa puissance comme le tireur à l'arc ne sachant en quel cercle tirer sa flèche. N'en doutons pas : l'attitude des femmes, comme la religion ou les arts, montre l'esprit d'un État et de son peuple : tout est toujours lié. De sorte que nous pouvons être inquiets de notre nation non seulement en voyant l'actuelle idolâtrie des avatars de la consommation, en regardant la foule se prosterner devant les plus répugnantes des œuvres, mais également en considérant la horde de messalines grossières qui arpentent les rues. La chair est belle, mais le jeu est triste ; tout est montré, rien n'est suggéré ; et le désir se meurt de l'excessive quantité de corps offerts aux regards. Gageons que si Don Juan, par un châtiment des Enfers, se retrouvait à notre époque, il succomberait rapidement d'ennui devant l'absence de défis et de jeux dignes de lui. Ô Femmes, montrez-vous capables de plaire à Don Juan : suggérez et interdisez !
Florent Basch

*Insensé, si ce n'est pas pour toi que tu surveilles ta femme, surveille-la du moins pour moi, afin de me la faire désirer davantage. Ce qui est permis n'a pour nous aucun prix ; ce qui ne l'est pas ne fait qu'irriter notre passion.




mardi 4 janvier 2011

Les apolitiques

"Cela n'est pas volontaire, vous êtes embarqués" Pascal, Pensée du pari


  Ne vous laissez pas confondre par les présomptueux qui se prétendent apolitiques. Dans leur orgueil et leur confort illusoire, ils n'aperçoivent pas la nature du Politique, qui enveloppe l'animal social de tous les côtés, le colore nécessairement, le plie à sa guise : le Léviathan est un grand déterminateur. Les négateurs du Politique méconnaissent la constitution présente de leur être, ne voient pas leur propre genèse, et négligent leur avenir. C'est être enfermé dans l'ignorance que de refuser d'admettre les déterminations qui nous façonnent comme c'est être prétentieux que de croire à un libre-arbitre tout-puissant capable de supprimer ces déterminations. Il faut combattre cette illusion favorisant la passivité et donc la servitude de l'individu ; les apolitiques pensent affirmer leur liberté en ignorant fièrement l'État, alors que ce faisant, ils s'agenouillent les yeux bandés devant lui : ils sont comme les mouches voulant fuir une chambre et qui finissent par s'écraser grotesquement sur la vitre. L'homme libre est l'inverse des apolitiques : il connaît les rapports entre la Cité et ses citoyens ; il comprend et pose la nécessité des déterminations ; sa force libre, c'est sa raison qui va jusqu'aux racines de tout ce qui l'entoure.
    De fait, le refus de l'engagement est déjà un engagement, fort et lourd de conséquences : c'est baisser son épée de citoyen, et s'abriter derrière un bouclier fragile. Que ceux qui pensent pouvoir échapper au Politique le sachent : il est possible, pour les plus habiles, de dompter le Léviathan, mais jamais d'anéantir son océan ; et si la Bête se réjouit de voir les citoyens sourds à ses pas, c'est parce qu'elle pourra plus aisément cracher son feu déterminateur. Sa flamme peut être belle et agréable, chauffer les cœurs attiédis, éclairer de nouveaux chemins, mais elle peut également aveugler les hommes et consumer ses terres. Le Politique est la sphère naturelle de l'homme ; c'est son cadre nécessaire, le lieu où se joue le combat de son épanouissement ; le rejeter, c'est dédaigner son salut et livrer sa béatitude aux aléas d'un dangereux champ de bataille.
  La compréhension du Politique, en tant qu'elle permet la connaissance de soi, de l'autre, et d'une large part du monde, est une joie ; elle donne une lumière qui guide l'individu dans son aventure quotidienne. Les soi-disant apolitiques qui refusent lâchement de comprendre ce qui les entoure sont dans un perpétuel état de stupéfaction devant les évènements qui ne peuvent pas être esquivés : ils sombrent dans l'abattement, l'indignation et le ressentiment comme les misanthropes qui sont sans cesse déçus par les hommes du fait de leur incompréhension de la nature humaine. Le Politique est à l'image de la vie, c'est un mouvement ; les vrais guerriers avancent le sourire aux lèvres, parce qu'ils ont sondé le fleuve qui les mène ; et ils savent que la sagesse est un joyeux combat toujours recommencé.


Florent Basch