Site philosophique et politique pour une pensée forte.

mercredi 16 février 2011

Lève-toi et marche !

La vie est un travail qu'il faut faire debout.
- Alain

    Il faut aimer l'homme regardant l'horizon et se méfier des éternels accroupis. Dressé, cet étrange animal porte noblement ses fardeaux, concentre son énergie, contemple le devenir ; assis, ses peines écrasent ses épaules, il se morfond dans la velléité, demeure fixé sur son marasme. Davantage qu'une métaphore facile mais belle, c'est une vérité physiologique : l'homme debout exerce une tension ferme sur ses membres, ses lignes gracieusement se consolident ; son regard dépasse le sol et s'élève au-delà des importunes hautes herbes : ses yeux semblent défier les dangers de la nature. La bipédie est une position d'affirmation qui pousse à regarder et aller en avant ; c'est la position qui fait marcher, qui enclenche ce processus singulier qui, en se développant, fit sortir l'homme du règne purement animal pour créer les civilisations uniques que l'on sait. On suppose que l'homme s'est mis debout, entre autres raisons, pour affronter au mieux les périls de la savane ; il doit le rester pour franchir les obstacles qu'il a et aura toujours besoin d'inventer.
    Il ne manque pas d'âmes paraplégiques en ce monde pour inciter les hommes à ramper sans honte et à imiter le nonchalant mode de vie de larves en tout genre ; on veut nous faire croire que le bonheur consiste à demeurer confortablement assis, éloigné à jamais de la vie pleine d'efforts et d'oppositions qui fut celle des hommes du passé. Pernicieuse idée d'hommes fainéants et tristes ! Il faut s'insurger contre ces utopies d'insectes et ces pâles idéaux ennuyeux, qui font de l'inaction une vertu, de l'inertie une condition indispensable au bonheur, du combat une tare à éradiquer ; de telles sottises ne devraient pas être semées dans les champs des hommes ; et les âmes refusant de s'agenouiller ou de se coucher, qui existeront tant que l'homme sera l'homme, devraient déployer leur goût naturel pour le travail libre afin de mettre sur pied tous les bipèdes corrompus. Il n'est pas vrai que l'homme aime la facilité et le repos ; il ne demande qu'à effectuer en divers domaines sa puissance ; il l'eût fait de lui-même, s'il eût su naturellement exciter, diriger et contrôler son désir.
  La grande force de l'homme, c'est sa capacité à se discipliner selon des règles collectives ou individuelles, et à fonder son épanouissement dans ces contraintes précieuses qui le poussent à se lever et à marcher droit vers la difficulté ; il peut vaciller quelquefois, être bousculé par mille objets divers souvent, mais il est toujours content de trouver des difficultés qui forment les bases nécessaires de son excellence. Seuls les faibles préfèrent s'allonger et couper les jambes de tous : le ressentiment prend toujours un malsain plaisir à se propager comme le montre ces austères moralisateurs qui condamnent des actions qu'eux-mêmes regrettent de ne pouvoir réaliser. Dès que l'homme se lève allègrement, se met consciemment en mouvement, et avance vers un chemin quelconque qui augmente sa puissance, il est beau, joyeux, et presque sage. La marche est l'expression corporelle de l'amor fati ; et Nietzsche, comme tous les gais penseurs, était un grand péripatéticien. Si je suis humaniste, ce n'est certes pas pour adorer un animal bureaucrate ou pour me prosterner devant de nouveaux sièges respirant le bien-être insipide et autres progrès de l'industrie du confort  ; et s'il eût été en mon pouvoir de réveiller mes frères humains endormis, j'eusse crié, avec toute la ferveur qu'il m'est possible de partager, sans promettre autre chose que le bonheur d'une lutte libre et épanouissante : « Lève-toi et marche, chaque jour ! ».

Florent Basch

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire