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mercredi 16 février 2011

De la servitude sensible (ou De la mort véritable)

"Les éponges et les sots ont ceci de commun qu'ils adhèrent." Socrate dans Eupalinos, Paul Valéry
  Je rappelais au lecteur, dans mon article précédent, l'importance qu'il doit accorder aux sources des informations qu'il recueille. Et cela car il n'est pas la peine de chercher plus loin que la caverne de Platon pour comprendre qu'il y a derrière tout media un principe d'illusion. Je ne promets certes pas, le monde des Idées, mais juste un peu de bon sens.
  Ces images, prises seules et considérées comme vérité absolue, ne produisent en l'individu qu'une vision simple (pour ne pas dire simpliste). L'objet (l'information) n'étant alors observée que de notre unique point de vue, sans que tous ses possibles soient considérés, ne fait que déclencher en nous ce que Hegel appellerait l'acte d'opiner. Bienvenue, mes amis, dans la servitude de l'opinion.

  Qu'est ce qu'une opinion, sinon un pensée plate, frottée au point que tous les reliefs de la réalité ont disparu, ne laissant plus que le vide immaculé d'une piscine où l'on ose plus se mouiller?

  L'opinion actuelle est placée sous les étendards du progrès. Elle se croit chaque jour plus humaine que ses ancêtres, plus tolérante, plus juste, et cela parce qu'elle se voit plus technique, plus rapide et plus au courant des choses. "Elle est plus mieux quoi!". Et, en un sens, chacun des termes que je viens d'employer contient une part de vérité. En un sens seulement.
  Je ne vais pas venir débattre sur l'existence d'un progrès, c'est inutile, c'est un péplum pour sophistes, une réflexion pour touristes, une vénération des "iste". Non, soyons sérieux et observons ce que cela pousse parfois à faire, à dire ou à penser (veuillez noter l'ordre des mots, il n'est peut être pas le bon).
  Ce que, personnellement je constate, c'est une négation de la vie dans ce qu'elle peut avoir de sale ou de dérangeant, autant dire, de vrai. Dans nos sociétés occidentales, nous ne semblons plus connaître la réelle souffrance, celle des guerres de masse, des épidémies visibles, et des vieilles oppressions. Il me semble entendre Nietzsche parler des Derniers Hommes : "Ils auront abandonné les contrées où la vie est dure; [...] la maladie, la méfiance leur paraîtront autant de péchés". Alors, cette douleur nous la fantasmons, à travers des drames historiques divinisés, intouchables; nous la regardons chez les autres, dans un bon reportage ou un excellent film voyeuro-misérabiliste; nous la grossissons ou la fabriquons de toute pièce au point qu'aujourd'hui le droit à la victime passe pour être ce qu'il y a de mieux à produire, de plus égalitaire. Tremblant à chaque seconde de peur de réellement se prendre un coup, on pleure nationalement sur le corps de trois cadavres militaires, on surveille chaque dérapage sur fond de liberté d'expression, on humilie le passé, parfois même on le décontextualise, de toute façon l'avenir promet de ne plus faire d'erreur. L'époque est sûre d'elle, elle est fière. Elle condamne toute saleté car elle a su elle même s'en affranchir.
  Ainsi le monde de la pensée et ses technologies avance vers un design aux courbes épurées et blanches, ainsi l'homme oublie qu'il est homme; alors il lui devient impossible d'être entièrement conscient et effectif quant à ce qu'est son devenir véritable.


E.Esther



2 commentaires:

  1. "Masse charnue, qui maintenant était l’objet d’études sociologiques, philosophiques, psychologiques, physiologiques, biologiques, anatomiques, scatologiques, sexuelles ; tous les théoriciens s’acharnaient sur cette mort, sur la déclamation de la pression sociale, stigmati-sant la mère de famille meurtrière, le temps, la santé, la sécurité, le malheur, la conscience, l’inconscient ; brandissaient le symbole, l’allégorie, l’exemple. Et l’autre restait mort. S’il est vrai qu’on se rend compte des choses au moment où elles disparaissent, le souvenir de ce professeur ne dura qu’une semaine ; sans doute un autre prit sa place, qu’il fût cadre, em-ployé, balayeur, éboueur, clochard, qu’il se fût suicidé, qu’il eût été assassiné, brûlé vif, battu, maltraité, drogué, enlevé. Le spectacle des morbides, voilà ce que c’est le journal du soir ! Après ce con qui s’est mis dans la tête de foncer dans un camion, et qui à cette heure-ci doit être rendu, on en voit passer des centaines ; notre amie la plèbe se doit d’être au courant de ce qui crève sur cette planète, dans ce pays, elle se doit de se mettre à jour, ne pas perdre une miette mortifère de ce charnier quotidien. Julia ruminait encore, le cerveau embrumé par le vin, la tête en arrière, rejetée contre le divan, puis glissant lentement vers la gauche jusqu’à rencontrer un bras de cuir immobile, avec à ses pieds un cadavre encore frais, debout, au cul vide, au goulot béant."

    Frédéric Ponarc

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  2. http://video.google.com/videoplay?docid=-5631882395226827730

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